L’ère du sens au travail a sonné

Je me réjouis de la nouvelle ère du travail qui s’installe, devenant le lieu d’une rencontre entre la recherche et la proposition de sens : des collaborateurs animés par la volonté de donner du sens à leur investissement professionnel se retrouvent autour d’un projet d’entreprise dont le sens fait écho à leurs aspirations, qu’ils vont co-construire avec un leader qui sait l’incarner et les engager, dans le cadre d’une structure qui sait réinventer ses frontières et son fonctionnement pour encourager la co-création du sens.

Je m’en réjouis d’autant plus que cette transition du monde du travail en suppose une autre qui est au cœur de mon engagement: un monde du travail qui se redéfinit autour de la quête de sens est un monde du travail qui doit abandonner au sein de l’entreprise les rapports de pouvoir pour privilégier et installer des rapports de coopération.

Ce changement de paradigme est une évolution fondamentalement positive pour l’entreprise et plus largement pour la société dans son ensemble, car l’entreprise est un « collectif laboratoire ». Faire advenir les rapports de coopération, c’est plaider pour la responsabilité de chaque individu considéré dans son statut d’acteur autonome, apportant de façon symétrique sa pierre à l’édifice commun.

Cela implique de repenser les places de chacun, l’entreprise prenant vie et se développant par la coopération d’une trilogie d’acteurs: les collaborateurs, les managers et le(s) dirigeant(s).

Mais ce n’est pas tout d’appeler de ses vœux l’évolution du monde du travail vers la quête de sens… encore faut-il la rendre possible !

De nouveaux déterminants du travail prennent place et invitent l’entreprise à se réinventer autour de trois grands enjeux :

  1. Un nouveau paradigme du métier: le sens à tout prix
  2. Une nouvelle exigence pour l’entreprise : l’hybridation du travail
  3. Un nouveau contrat managérial : le management relationnel.

 

 

1- LE SENS À TOUT PRIX

La question de la quête de sens est un enjeu prioritaire qui monte dans les considérations des salariés depuis déjà plusieurs années et apparaît pour les entreprises comme un levier de performance économique et sociale. Elle constitue un levier d’attraction des talents qui est aussi une condition de fidélisation et finalement un ressort majeur de la réputation des entreprises. En 2017 déjà, 80% des salariés jugeaient la quête de sens au travail comme prioritaire avec un score de 8,7/10. 53% déclaraient avoir quitté leur travail pour en trouver un plus en phase avec leurs valeurs (Deloitte et Viadeo 2017). 66% des 20/29 ans rêvent déjà d’une reconversion (OpinionWay février 2020 – Les français et la reconversion professionnelle).

La crise sanitaire a accentué ce phénomène : les actifs ont pris conscience de leur vulnérabilité et ne veulent plus passer à coté de ce qui est essentiel pour eux. Face au manque de repère ambiant, l’individu est à la recherche de sa vocation comme signification de son existence : la vocation est une recherche de soi qui passe par l’expérience et le fait d’exercer plusieurs métiers. Le travail devient un lieu d’expérimentation et de découverte de soi. Le parcours professionnel devient mosaïque : la période d’activité ne se compose plus d’une seule « ligne » professionnelle mais d’une constellation d’expériences concrétisant la recherche de sens. Dans le même temps, l’intrication entre travail et développement s’organise autour du Test and Learn : le besoin d’être auteur de sa propre vie, d’être agissant, suppose à la fois l’autonomie, la liberté d’action mais aussi l’acceptation de la prise de risques et de l’échec.

 

La congruence entre la raison d’être de l’individu et la raison d’être de l’entreprise : l’entreprise comme lieu de révélation et d’expression de la vocation.

Le travail doit être le lieu d’une rencontre harmonieuse du Soi et du Collectif. Un français sur deux a réfléchi sur le sens de son travail et l’utilité sociétale de son métier (Opinion Way « les salariés français et le travail après le confinement » – juin 2020). L’enjeu de convergence entre les valeurs individuelles et la mission d’entreprise est un nouveau défi pour les stratégies d’entreprise et pour la figure du dirigeant.

 

La contribution de chacun à la construction d’un monde meilleur, par son métier et sa vocation dans une entreprise alignée.

Le travail est le lieu d’action en faveur du « progrès » collectif. En étant investie du sujet de la quête de sens, l’entreprise accroit encore sa responsabilité déjà décuplée face à la perte de pouvoir ressentie des Etats et organismes régaliens (65% des Français ont l’impression que les entreprises ont plus de temps et de ressources que les gouvernants pour faire aboutir des projets et transformer la société , CSA – Observatoire des marques dans la cité – 2019)

 

L’inclusivité comme nouvel humanisme professionnel

Dans ce nouveau paysage, l’inclusivité apparait comme un nouvel humanisme professionnel qui incarne le défi du sens à chaque niveau de réflexion sur le monde du travail :

  • À un niveau micro, la possibilité d’être inclus quelles que soient ses singularités individuelles est proprement essentielle
  • A un niveau meso, l’inclusivité symbolise la rencontre des valeurs personnelles d’intégration sociale et d’ouverture à l’autre avec celles que défend et pratique effectivement l’entreprise
  • À un niveau macro, l’enjeu est fondamental : aujourd’hui, ce sont les entreprises qui sont identifiées comme étant les acteurs les plus à même, avant même les États, de favoriser l’inclusion et finalement, de faire société.

 

 

2- L’HYBRIDATION DU TRAVAIL: UN DEFI POUR L’ENTREPRISE

L’hybridation ouvre le champ des mobilités et permet au travail de déconstruire son cadre définissant une nouvelle exigence « vitale » pour les entreprises:

  • l’avènement du nomadisme professionnel : le travail sort du cadre géographique (géographie subie vs géographie choisie) et sonne
  • la fin du culte du lieu de travail : le travail sort du cadre spatial (avec des nouvelles fluidités entre les espaces publics/privés en cours de définition)
  • la fin des microcosmes professionnels : le travail sort du cadre social (la nouvelle sociabilité professionnelle est une sociabilité plus choisie)
  • la flexibilité des horaires : le travail sort du cadre temporel (le gain d’autonomie et la soustraction du temps de transport modifient le rapport au « temps de travail »)

 

Libération et individualisation : le travail devient moins contraint et passe d’un état normé à un état personnalisé. Ce changement appelle une profonde transformation du management et ouvre l’ère du management relationnel.

 

 

3- LE MANAGEMENT RELATIONNEL

Un management par la raison d’être

Du point de vue de l’entreprise, c’est la définition et la mise en place claire, atteignable, attractive et mobilisatrice d’une vision qui permet :

  • De se diffuser avec cohérence dans l’écosystème de l’entreprise et d’être appropriée collectivement
  • De recruter (court terme), fidéliser (moyen terme) et mobiliser les individus (long terme).

Du point de vue du collaborateur, c’est une raison d’en être, c’est une conviction profonde sur le monde et la société à laquelle on veut concourir.

 

Un management des équilibres de vie

La recherche d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle devient un enjeu fondamental. La culture du sacrifice laisse la place à celle de l’accomplissement. Mais un tel changement, aussi positif et pertinent soit-il, implique une déconstruction, une perte de repères et donc un enjeu de redéfinition autour de nouvelles attentes.

Avec la crise Covid, les périodes de confinement et l’intensification du télétravail, chacun a expérimenté avec une intensité inégalée le décloisonnement de l’espace privé et l’espace professionnel. Chacun a dû trouver les astuces pour ne pas laisser l’un être envahi par l’autre et le vécu n’a pas été le même pour tous.

En même temps que chacun a gagné du temps en n’ayant plus à se déplacer et subir les embouteillages, l’hyperconnexion s’est amplifiée et de nombreux temps de respiration ont disparu: les temps de trajet, les discussions à la machine à café, les intermèdes entre les réunions… Le télétravail incite à intensification du travail et peut provoquer une surcharge mentale considérable.

Un autre impact du télétravail est celui de la solitude et de l’isolement. Le soutien social n’opère plus de la même façon. Les temps au bureau des membres d’équipe ne sont pas toujours coordonnés au point d’interroger l’utilité même de venir sur site.

Face à cette réorganisation de l’espace, du temps et de la relation, il n’y a pas de recette miracle universelle. Il n’y a que des réponses personnalisées, tenant compte des singularités de vie, des particularités des métiers et des équipes.

Au-delà de l’organisation de vie, c’est un nouveau rôle du manager qui est attendu pour qu’il soit capable à la frontière de ces deux mondes, d’une gestion « émotionnelle » : accompagner chaque collaborateur dans les dimensions émotionnelles de leurs vies, aller sur le terrain de la vulnérabilité sans perdre la confiance du salarié.

C’est également l’enjeu d’animation d’un collectif qui n’est plus localisé dans un même espace. Ces nouvelles attentes managériales appellent à une grande humilité qui pratique la considération et le prendre soin en entreprise.

 

Une redéfinition en cours des ressorts du leadership en entreprise

La révolution managériale qu’appellent les attentes aspirationnelles (liées à la quête de sens) et rationnelles (liées à l’hybridation) n’est pas une révolution technologique. Elle suppose plutôt, à travers le plébiscite de la communication, de repenser le rapport manager/managé autour des capacités d’engagement et d’empathie, des rapports de confiance et de promotion d’une autonomie accompagnée.

 

 

Nathalie BARDOUIL, présidente OPUS Fabrica

 

 

 

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