Introduction
Depuis de nombreuses années j’ai la chance d’accompagner des équipes de direction de différents secteurs d’activités. Ces partages nourrissent ma réflexion sur l’avenir des organisations de travail.
Je rencontre souvent des équipes de direction engagées, portées par leur mission, préoccupés de leur utilité sociale ; des personnes riches, généreuses, mais des femmes et des hommes épuisés. Jamais nos sociétés n’ont compté autant de cas d’épuisement professionnel. C’est un symptôme bruyant de notre société moderne.
Quand bien même nous sommes de plus en plus nombreux à porter un regard critique sur les inégalités sociales que génèrent le monde libéral, nos quotidiens sont inscrits dans ces dynamiques de performance, d’instantanéité, nos cerveaux sont surexposés à l’information continue.
Le temps semble nous échapper : la multitude des tâches, les sollicitations constantes, les imprévus, les contraintes administratives, les mails, envahissent notre quotidien.
Conscients de leur responsabilité, ces femmes et ces hommes engagés me disent souvent « je n’ai pas le choix » et sacrifient leur énergie. Mais lorsqu’on sacrifie les ressources disponibles pour assurer la survie, on n’est plus tout à fait dans la vie et, surtout, on risque de ne pas tenir sur la durée.
Lorsque l’on parle de préservation des ressources et de régénération, nous ne parlons pas que des arbres et des océans, nous parlons du vivant, donc de nous. L’humain fait partie intégrante du vivant. Il n’en est pas séparé.
Et si nous faisions un pas de côté pour regarder comment le monde vivant opère et aller chercher des sources d’inspiration du côté de celles et ceux qui nous proposent de repenser nos organisations en nous reconnectant à notre essence et à la vie.
La Permaentreprise
La Permaentreprise est un modèle de développement des organisations inspiré de la Permaculture. Elle est portée en France par Sylvain Breuzard, un chef d’entreprise, qui a été président du Centre des Jeunes Dirigeants et Président de GreenPeace France.
La Permaentreprise repose sur trois principes éthiques :
- Prendre soin des humains,
- Prendre soin de la terre,
- Se limiter et redistribuer les surplus.
La nature ne s’y trompe pas : elle est fondée sur l’interdépendance de toutes les espèces vivantes. Chaque microbe, chaque fleur, chaque insecte, chaque animal se nourrit des autres et, en même temps, rend possible la vie des autres dont il dépend. Il prend et il donne. Depuis des millénaires, les organismes vivants fonctionnent sur le mode de la coopération et de l’interdépendance. Ce sont les réseaux denses d’interactions qui rendent le système à la fois productif et résilient.
Qu’en est-il de l’homme et des sociétés humaines ?
Nous nous sommes séparés de la nature et avons cru que nous pouvions organiser la vie selon nos règles. Comme si nous avions le pouvoir d’organiser la vie. A l’inverse des relations interdépendantes observées dans la nature, l’homme a construit des relations utilitaires : il prend, il consomme les ressources dont il a besoin et dont il a envie, sans redistribuer équitablement.
La nature, elle, est composée de réseaux d’interactions tellement divers et riches qu’il est illusoire de vouloir tout maîtriser et impossible de prédire avec une totale certitude un résultat. La nature laisse la vie circuler, sans la contraindre. Elle ne décrète pas ce qui doit être ou ne pas être. Elle ne décrète pas quand le soleil va briller ou quand la pluie va tomber. Elle accueille ce qui se présente et elle s’y adapte en permanence.
A propos de l’épuisement : nous sommes aussi dans une relation utilitaire à nous-mêmes et aux autres : nous utilisons nos ressources comme si elles étaient inépuisables et nous ne prenons pas soin de recharger les batteries. Et comme nous nous infligeons cela, nous pouvons avoir tendance à attendre la même chose des autres. A minima, c’est l’exemple que nous donnons.
Un autre enseignement de la nature, c’est le rapport au Temps. La nature ne cherche pas à accélérer le temps. Le bulbe ne cherche pas à devenir fleur avant les autres bulbes. Sa croissance prend le temps qu’il faut. Il faut de très nombreuses années pour que le gland d’un chêne devienne un arbre majestueux. La nature respecte les cycles de vie et de croissance quand nous, les humains, nous cherchons sans cesse à aller plus vite. Nous avons même cherché à changer la temporalité de la nature. L’agriculture intensive et les engrais ont épuisé les sols.
La robustesse
Un autre auteur nous propose une approche inspirante. Il s’agit d’Olivier Hamant, directeur de recherches à l’INRAE, spécialiste des plantes et la biologie moléculaire et cellulaire. Il nous propose d’en finir avec la performance et de passer à la robustesse. Que veut-il dire par-là ?
Il définit la performance comme étant la somme de l’efficacité et de l’efficience, c’est-à-dire atteindre son objectif avec le moins de moyen possible. La performance ouvre la voie de l’optimisation et de la compétition.
La robustesse, elle, maintient le système stable malgré les fluctuations. La robustesse permet la viabilité dans un monde instable et en pénurie de ressources. On la trouve d’ailleurs dans la plupart des écosystèmes terrestres, précisément parce qu’ils ont un ou plusieurs facteurs limitants. La robustesse ajoute des marges de manœuvre, stimule la coopération et explore des voies alternatives pour pouvoir faire face aux imprévus. La robustesse se construit donc contre l’efficacité et l’efficience. Elle est la réponse opérationnelle dans un monde turbulent.
Une raison d’être ne suffit pas
Simon Sinek est un auteur et conférencier travaillant sur le management et la motivation. A partir des recherches qu’il a menées auprès de nombreuses organisations, il a mis en évidence ce qui fonde l’engagement, la motivation et le sentiment d’accomplissement,. Ce n’est pas ce que l’on fait, ni comment on le fait, mais pourquoi on le fait. Il a modélisé cela avec l’image des cercles d’or :
- Le premier cercle est celui du Quoi, qu’est-ce que nous faisons.
- Le second cercle est celui du Comment : comment faisons-nous ce que nous faisons.
- Le troisième cercle est le Pourquoi : pourquoi faisons-nous ce que nous faisons ?
Et il nous dit que c’est le Pourquoi qui est le cœur de l’énergie. On l’appelle souvent la raison d’être.
Mais avoir une raison d’être n’est pas suffisant. Il faut aussi que ce « Pourquoi » soit l’ancrage du « Comment » et du « Quoi ».
Nos organisations, nos actions du quotidien, nos process, nos modèles économiques, sont-ils réellement congruents avec ce « Pourquoi » ?
Le modèle de la Permaentreprise, les démarches RSE, le concept de Robustesse sont autant de propositions qui pourraient devenir nos solutions pour transformer nos entreprises.
*** Pour découvrir la Permaentreprise, nous vous invitons à lire la 2ème édition augmentée de l’ouvrage de Sylvain Breuzard : https://www.permaentreprise.fr/livre/
*** pour découvrir le concept de Robustesse d’Olivier Hamant, nous vous invitons à lire son manifeste publié chez Gallimard « Antidote au culte de la performance : https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tracts/Antidote-au-culte-de-la-performance
Vous pouvez télécharger le carrousel de cette conférence en cliquant sur ce lien : Coopérer pour mieux servir