Dans un monde complexe et incertain, la diversité et l’inclusion ne sont plus de simples options « à la marge » pour nos entreprises. Elles sont devenues des impératifs stratégiques pour assurer une performance durable, stimuler l’innovation et renforcer l’engagement des collaborateurs. Retour sur les enjeux clés à l’occasion d’une conférence inspirante.
Des stéréotypes tenaces qui freinent l’inclusion
Malgré des avancées indéniables, de nombreux stéréotypes et préjugés persistent dans le monde du travail. L’âgisme conduit à écarter les seniors des postes à responsabilité. Le sexisme ordinaire pénalise encore trop souvent les carrières des femmes. Le validisme invisibilise les personnes en situation de handicap. Quant aux discriminations raciales, elles continuent de faire barrage aux talents issus de la diversité. Autant de biais cognitifs qui enferment les individus dans des cases et les organisations dans l’uniformité.
L’âgisme pénalise les séniors
Les collaborateurs de plus de 50 ans sont fréquemment perçus comme moins productifs et évolutifs. En conséquence, ils peinent à accéder aux postes à responsabilité et aux formations.
Le sexisme ordinaire freine les carrières des femmes
Malgré leur niveau de qualification, les femmes restent sous-représentées aux postes de direction. Elles sont aussi plus souvent confrontées au plafond de verre et aux remarques sexistes.
Le validisme invisibilise les personnes handicapées
Les personnes en situation de handicap, surtout lorsqu’il est invisible, sont encore trop peu intégrées en entreprise. Le validisme les enferme dans des représentations capacitistes éloignées de leurs compétences réelles.
Les discriminations raciales bloquent les talents
De nombreux candidats et salariés issus de la diversité continuent de subir des discriminations liées à leur origine, réelle ou supposée. Un gâchis pour les entreprises qui se privent ainsi de précieux viviers.
À propos des biais cognitifs sui freinent l’inclusion
Les biais cognitifs sont des mécanismes de pensée qui altèrent notre jugement et notre prise de décision. Ce sont des raccourcis mentaux, souvent inconscients, qui nous conduisent à déformer notre perception de la réalité et à adopter des raisonnements peu rationnels.
Concrètement, un biais cognitif nous fait porter un regard partial et filtré sur une situation ou un individu, en surévaluant certaines informations et en en négligeant d’autres. Il nous pousse à confirmer nos croyances initiales plutôt qu’à les remettre en question objectivement. Il nous fait céder aux stéréotypes et aux préjugés plutôt que de considérer la singularité de chaque personne.
Nous avons tous des biais cognitifs. Ils résultent de l’évolution de notre cerveau pour traiter rapidement et avec le moins d’effort possible un environnement complexe. Mais dans le monde du travail actuel, ils peuvent conduire à des décisions sous-optimales et à des comportements discriminatoires, même sans mauvaise intention.
Les principaux biais qui pénalisent la diversité et l’inclusion :
Le biais de conformité adhérer aux opinions de notre « tribu »
Par exemple : Dans une réunion, tout le monde semble approuver une décision. Vous avez un doute mais vous vous ralliez à l’avis majoritaire pour ne pas faire de vagues.
Le biais de confirmation : ne retenir que ce qui valide nos aprioris
Par exemple : Vous pensez que les femmes sont moins ambitieuses professionnellement. Quand l’une d’elles refuse une promotion pour raisons familiales, vous vous dites « vous voyez, j’avais raison ! » sans considérer toutes celles qui ont accepté.
Le biais d’homogénéité : considérer un groupe différent comme homogène
Par exemple : Vous accueillez un stagiaire issu d’un quartier réputé difficile. Vous présupposez qu’il aura du mal à s’adapter aux codes de l’entreprise, comme les autres stagiaires issus du même milieu que vous avez connus.
L’effet de halo : déduire des qualités d’une personne sur la base d’une impression initiale
Par exemple : Lors d’un entretien d’embauche, vous êtes séduit par l’aisance verbale et la poignée de main assurée d’un candidat. Vous en déduisez automatiquement qu’il sera un bon commercial, avant même d’avoir exploré ses compétences.
Le biais d’attribution : attribuer systématiquement les échecs de profils différents à des causes internes
Par exemple : Un de vos collaborateurs en situation de handicap commet une erreur. Vous mettez ça sur le compte de son manque de concentration dû à son handicap, alors que vous l’auriez imputé à une surcharge de travail pour un autre.
Derrière les biais, des peurs à apprivoiser
Les stéréotypes et les biais cognitifs sont souvent sous-tendus par des peurs conscientes ou inconscientes.
La peur de l’inconnu et de la différence :
Au cœur de nombreux préjugés réside une peur ancestrale de ce qui nous est étranger, non familier. La différence, qu’elle soit physique, culturelle ou sociale, peut être vécue comme une menace pour notre identité et notre confort. Cette peur de l’altérité engendre un réflexe de rejet et de repli sur son groupe d’appartenance.
La peur de perdre son statut et ses privilèges :
Les stéréotypes négatifs envers certains groupes peuvent aussi traduire une peur de voir son propre statut social remis en question. Par exemple, les préjugés sexistes peuvent révéler chez certains hommes une crainte de perdre leurs privilèges dans un monde plus égalitaire.
La peur du changement et de la perte de contrôle :
D’autres résistances à la diversité peuvent s’enraciner dans une peur du changement, perçu comme une perte de repères et de maîtrise. Accepter de travailler avec des personnes différentes (en termes d’âge, de handicap, de culture…), c’est accepter de sortir de sa zone de confort, de bousculer ses habitudes. Cette peur de l’inconfort peut alimenter des stéréotypes rigides.
La peur du conflit et du rejet :
Enfin, certains préjugés peuvent avoir pour fonction inconsciente d’éviter les conflits et de préserver la cohésion de son groupe d’appartenance. S’en tenir aux stéréotypes dominants, c’est une manière de se conformer aux attentes de son milieu et de maintenir son affiliation. La peur du rejet et de la marginalisation peut freiner la remise en question des stéréotypes.
L’expérience positive de la diversité : la clé du changement
Pour dépasser ces peurs, rien ne vaut l’expérience directe de la richesse des différences. En côtoyant au quotidien des profils variés, on découvre des personnalités au-delà des étiquettes. En expérimentant la coopération entre des expertises diverses, on voit naître des idées inattendues. En vivant l’altérité comme une opportunité d’apprentissage mutuel, on repousse les frontières de sa zone de confort. C’est en cultivant ces rencontres qu’une culture inclusive peut germer et fleurir dans les organisations.
La lutte contre les préjugés en entreprise est un défi complexe qui nécessite une approche nuancée et bienveillante. Critiquer ou culpabiliser ceux qui expriment des stéréotypes s’avère souvent contre-productif. Une méthode plus efficace consiste à confronter les croyances à la réalité concrète de l’expérience professionnelle de chacun.
Une technique efficace de déconstruction des stéréotypes consiste à opposer aux préjugés des contre-exemples concrets tirés de l’environnement professionnel immédiat de la personne :
- Face à l’âgisme, on peut rappeler à la personne son propre statut de senior et sa contribution valorisée ou faire référence à un collègue sénior apprécié et performant.
- Pour contrer le sexisme, on peut souligner les collaborations fructueuses avec des collègues féminines.
- Concernant le validisme, on peut parler de collègues appréciés et performants qui sont en situation de handicap, parfois invisible.
En montrant que les personnes appréciées et avec lesquelles on travaille efficacement au quotidien appartiennent aux catégories dénigrées a priori, on crée une dissonance cognitive. Cette approche force à constater l’écart entre les stéréotypes négatifs et l’expérience positive vécue avec ces personnes.
Cette confrontation bienveillante à la réalité vise à ébranler les certitudes et à amener plus de nuance dans le jugement. En ancrant la remise en question dans le vécu personnel, on touche non seulement la raison mais aussi l’affect, deux leviers
Pour lutter efficacement contre les stéréotypes, rien ne vaut l’expérience directe de l’altérité dans un cadre de coopération. C’est en interagissant au quotidien avec des profils divers qu’on dépasse ses préjugés, souvent de façon inconsciente.
La diversité et l’inclusion, des enjeux business et sociétaux
La diversité et l’inclusion ne sont pas qu’une question de « vivre ensemble ». Ce sont aussi des leviers de performance mesurables. Les entreprises les plus inclusives sont aussi les plus innovantes, avec une capacité accrue à capter les tendances d’une société diverse. Ce sont les plus attractives, avec une marque employeur ouverte à tous les talents. Ce sont les plus agiles, avec des équipes habituées à conjuguer les différences. A l’heure où la raison d’être et la responsabilité sociétale des entreprises deviennent incontournables, l’inclusion s’impose comme une boussole éthique et un moteur de développement pérenne.
Construire une culture inclusive : mode d’emploi
Devenir une entreprise diverse et inclusive ne se décrète pas.
Quelques étapes clés :
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- Écouter les collaborateurs sur leur vécu de la diversité au travail
- Former les manageurs à déconstruire leurs biais et à cultiver l’ouverture
- Fixer des objectifs chiffrés et mesurer les progrès en continu
- Soutenir la création de réseaux internes mobilisés sur l’inclusion
- Valoriser les rôles modèles et les initiatives inclusives
Pour conclure
Alors, osons regarder lucidement nos biais pour mieux les déconstruire ! Osons nous confronter activement à nos peurs pour les apprivoiser ! Osons réinventer le travail comme un espace d’inclusion et un lieu d’épanouissement des singularités ! C’est ainsi que nous bâtirons des organisations à la hauteur des enjeux du 21ème siècle, capables de conjuguer performance et engagement, adaptabilité et responsabilité. Des organisations vivantes, diverses et unies. Ensemble, tout simplement.
Nathalie Bardouil, Docteure en psychologie, présidente d’Opus Fabrica
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